Voici notre 4ème interview d’expat ! Après Mélanie, enseignante en Californie, Fany qui a travaillé entre autres en Thaïlande et Fabrice en Inde, c’est au tour de Cid, auteure de l’excellent blog https://www.theycallmestranger.com de répondre à nos questions. Spécialiste de la Chine, elle a travaillé plusieurs années en Chine et fournit d’excellents conseils pour ceux qui veulent apprendre le mandarin.
Grâce à Instagram, j’ai découvert le blog de Cid il y a quelques semaines. Son attrait pour le voyage, les pays asiatiques et le métal ne m’a pas laissé insensible. 🙂
Cela faisait un moment que je souhaitais en savoir plus sur elle, son expatriation et ses voyages, c’est chose faite avec cette entrevue !
Cid, peux-tu revenir sur ton parcours scolaire et notamment sur ton apprentissage du chinois ?
J’ai commencé à apprendre le chinois quand j’avais 15 ans, j’avais choisi une option chinois mandarin en LV3 au lycée. Avant ça, je n’avais pas particulièrement de lien ou d’attrait pour la Chine, mais j’étais fascinée par le monde, les langues et les cultures étrangères. J’ai donc, un peu par hasard, commencé à apprendre le chinois, et ça m’a énormément plu ! Du coup, j’ai décidé de continuer après le bac, et je suis partie en fac de langues. J’ai fait une licence LEA (Langues Etrangères Appliquées) en anglais et chinois mandarin, et j’ai notamment eu l’occasion de partir étudier un an en Chine pendant ma licence, ce qui a clairement confirmé ma passion pour ce pays ! Après ça, j’ai continué, encore, dans cette branche et j’ai fait un master spécialisé Asie (en Relations Interculturelles et Coopération Internationale), avec encore de la Chine et du chinois. Le chinois est une langue qui me passionne et que je continue d’apprendre ! Depuis 2017, je me penche sur les examens HSK, le certificat international de compétences en langue chinoise. C’est un test destiné aux sinophones non-natifs, et il est constitué (pour l’instant) de 6 niveaux. J’ai passé le HSK4 en 2017, le HSK5 en 2019 et je prépare actuellement le niveau 6, que j’aimerais passer l’année prochaine.
Quelles sont des expériences d’expatriation ?
J’ai surtout passé du temps en Chine, même si j’ai aussi voyagé ailleurs en Asie (j’ai aussi passé 3 mois au Vietnam quand j’étais plus jeune). J’ai vécu 1 an à Nanjing et 6 mois à Qingdao quand j’étais étudiante, et, quelques années plus tard, je suis revenue poser mes valises en Chine, où je suis restée 3 ans à Shenzhen, cette fois pour y travailler. Je vis actuellement en Ecosse (changement radical d’ambiance !) depuis octobre 2019. Je travaille dans l’éducation, notamment dans la coopération, les relations internationales et la gestion de projets, et je suis spécialisée Chine et Asie de l’Est.
Quels points communs entre tes expériences à Nanjing et Shenzhen ?
Je dirais d’abord que c’était deux expériences complètement différentes ! Nanjing (souvent retranscrit Nankin en français), est une ville très ancienne, c’est un des centres historiques et culturels du pays, et c’est l’ancienne capitale (Nanjing 南京 signifie “capitale du sud” en chinois, contrairement à Beijing 北京 (Pékin), qui est la “capitale du nord”).
Shenzhen, quant à elle, est une (très) grande ville de la province du Guangdong, un peu plus au sud. Elle se situe à la frontière avec Hong Kong et dans le delta de la Rivière des Perles, une des zones les plus peuplées et les plus dynamiques du monde ! C’est d’ailleurs une des régions les plus riches du pays. Par ailleurs, Shenzhen est une ville nouvelle, puisqu’elle n’est officiellement une ville que depuis 1979 ! Elle est devenue la première Zone Économique Spéciale de la politique d’ouverture de la Chine en 1980. Avant ça, la région était principalement rurale et ce n’était alors qu’un village de pêcheurs ! Aujourd’hui, c’est une métropole de plus de 12 millions d’habitants (70% de migrants venus de toute la Chine!) Du coup, c’est une ville moderne, plutôt axée sur l’innovation, le design, les nouvelles technologies… on l’appelle d’ailleurs la Silicon Valley de la Chine ! L’atmosphère qui y règne est complètement différente de celle de Nanjing !
Par ailleurs, d’un point de vue personnel, je n’y ai pas vécu les mêmes expériences. A Nanjing, je venais d’avoir 20 ans et j’étais étudiante. C’était ma première expérience à l’étranger ! A Shenzhen, j’étais plus mature, installée et dans la vie active. Pas vraiment le même contexte je dirais !
Néanmoins, ces deux expériences ont été extrêmement enrichissantes ! J’ai voyagé, beaucoup appris sur la culture, la langue, sur le monde en général, et sur moi-même aussi. Mon année à Nanjing m’a fait découvrir le pays, m’a confortée dans mon choix de me lancer dans des études spécialisées, et m’a donné le goût de bouger et de vivre à l’étranger. Mon expérience à Shenzhen a été très enrichissante, notamment sur les plans humains et professionnels.
Est-ce que cela a été facile de s’intégrer dans le monde professionnel chinois ? On imagine souvent des personnes qui travaillent 16h par jour, qu’en est-il vraiment ?
Il est possible de trouver du travail très facilement et très rapidement en Chine, à condition d’avoir des diplômes et de l’expérience derrière pour être engagé en toute légalité. Bien évidemment cela varie selon les secteurs, mais, globalement, il y a beaucoup d’opportunités. Les “guanxi 关系” (les relations) sont aussi très importantes dans le monde chinois ! Pour s’intégrer c’est une autre histoire, et je pense que cela dépend des personnalités des gens, de leurs capacités à s’adapter, de leurs qualités interpersonnelles, et aussi des compétences dans la langue locale.Mais il faut avouer qu’il y a très souvent une séparation entre les employés chinois et étrangers.
C’est vrai que les Chinois travaillent beaucoup, il n’est pas rare de les voir rentrer très tard et de les voir enchaîner de très longues journées, mais ce n’est pas forcément une généralité. Pour ma part, je travaillais dans une institution chinoise, on travaillait 40h par semaine, ce qui est la durée légale du travail en Chine. J’avais aussi la chance d’avoir beaucoup de congés ! Bref, j’étais plutôt loin des horaires “996” (comprendre, travailler de 9h du matin à 9h du soir, 6 jours sur 7), vantés par les grandes entreprises. Il est commun en Chine de travailler beaucoup et de faire beaucoup d’heures supplémentaires, mais je dirais que cela dépend aussi des secteurs d’activité.
A Shenzhen, où le secteur de la tech y est notamment très dynamique, il n’est pas rare de croiser des jeunes Chinois, venus des quatre coins du pays pour travailler quelques années au sein d’un des géants du secteur, avant de repartir dans leur ville ou leur province d’origine. Cela leur permet de gagner en compétences, d’acquérir une expérience professionnelle qui peut être un véritable tremplin dans leur carrière, et éventuellement de mettre de l’argent de côté pour leur avenir. Pour ce faire, ils mettent leur vie personnelle entre parenthèses, et parfois leur santé.
Il y a un contrôle politique rigide, très autoritaire en Chine, est-ce que tu l’as ressenti en tant qu’expatrié ? Y a-t-il des choses qu’on ne peut pas faire là-bas qui sont possibles en Europe par exemple ?
Honnêtement, je ne pense pas qu’on le ressente vraiment en tant qu’expatrié. On est libre d’aller où on veut, de faire ce qu’on veut, à partir du moment où ça n’enfreint pas la loi. Et je pense que beaucoup d’étrangers en Chine se sentent finalement plus libres que chez eux, simplement parce qu’il y a beaucoup d’opportunités, parce que c’est très dynamique, et parce que c’est très safe aussi. Par contre, les politiques d’immigration sont très strictes et il y a beaucoup de contrôles des étrangers sur le territoire, mieux vaut donc être en règle. Sinon, à part ça et la censure, l’accès aux sites internet étrangers et aux réseaux sociaux, je dirais qu’on ne ressent pas vraiment la situation politique dans la vie de tous les jours, du moins en tant qu’expatrié.
Tu as beaucoup voyagé à travers la Chine, quelle destination conseillerais-tu à une personne ne connaissant pas du tout ce pays ?
La Chine est un pays gigantesque, et ce n’est pas forcément évident de se projeter dans un itinéraire. Il y a tant à voir, et les distances sont souvent considérables ! En tous cas, ce qui est sûr, c’est qu’il y en a pour tous les goûts !
Les grandes mégalopoles comme Shanghai, Chongqing et Hong Kong vont ravir les amoureux des paysages urbains, alors que les vieilles villes comme Fenghuang, Lijiang, Suzhou ou Hangzhou vont permettre de découvrir une Chine plus traditionnelle.
Pour les amoureux des grands espaces et des paysages naturels, la Chine a aussi énormément à offrir ! J’ai beaucoup aimé les monts Wuyi dans le Fujian et la culture du thé, Zhangjiajie dans le Hunan et ses célèbres “montagnes avatar”, ainsi que le parc national de Yading dans l’ouest du Sichuan, avec ses pics sacrés et ses lacs à plus de 4500m d’altitude. Mais il y a plein d’autres parcs nationaux !
Bref, entre ville, campagne, steppes, montagnes, jungles, forêts et déserts, la Chine dispose d’une variété de paysages assez incroyable, il y en a pour tout le monde ! Il y a aussi une grande diversité culturelle, avec 55 minorités ethniques réparties à travers le pays.
Je pense que la destination idéale dépend des préférences de chacun, et aussi du climat et de la période de l’année. Dans tous les cas, Beijing, entre histoire et modernité, mettra, je pense, tout le monde d’accord pour un premier voyage en Chine !
Sur ton blog, tu as de nombreux articles très intéressants sur l’apprentissage du chinois. Quels conseils principaux donnerais-tu à quelqu’un qui veut se lancer et selon toi, combien d’années d’apprentissage faut-il à une personne lambda pour être capable de se débrouiller en Chine (genre niveau 2nde en anglais….) ?
Il est difficile de comparer la langue chinoise avec une langue européenne, entre l’écriture, la prononciation et le vocabulaire, ce n’est pas une mince affaire ! Ceci étant dit, ce n’est pas une langue si compliquée qu’on ne le croit, elle nécessite juste quelques ajustements ! Je dirais qu’il faut d’abord commencer par les bases, se familiariser avec la logique de la langue chinoise. Comment sont formés les caractères, les radicaux, l’ordre des traits, les structures grammaticales, la prononciation des tons… Ensuite, en apprenant du vocabulaire de base, il est possible de commencer à faire des phrases simples. Je dirais qu’il est possible d’atteindre un bon niveau débutant en quelques mois, à condition d’être investi. Ça ne sera pas forcément suffisant pour se débrouiller en Chine, et encore moins pour travailler en chinois, mais ça permettra au moins d’avoir quelques bases et de briser la glace avec les locaux, et c’est déjà un bon point !
Je dis aussi souvent qu’il faut être méthodique et impérativement se donner des objectifs concrets. Dans mon parcours, j’ai beaucoup manqué de continuité et de logique dans mon apprentissage. Je pense que ça m’a fait perdre beaucoup de temps.
Evidemment, cela dépend aussi des capacités de chacun, mais je pense que, dans tous les cas, la motivation joue beaucoup. Pour atteindre un bon niveau, il faut surtout un travail régulier. Le chinois est une langue qui nécessite beaucoup d’investissement personnel, de la persévérance, et beaucoup de rigueur !
Cela fait maintenant un an et demi que tu es en Ecosse, qu’est-ce qui te manque le plus de la Chine, du mode de vie chinois ?
Un peu de tout ! La street food, les vélos partagés, toutes ces choses du quotidien qui sont simplifiées en Chine, la diversité et le dynamisme de Shenzhen, ce clash entre tradition et modernité qui caractérise si bien la Chine, le rythme de vie, à la fois calme et effréné, et les gens ! Les gens en Chine sont généralement très gentils et très accueillants, et j’ai beaucoup appris d’eux. En Ecosse aussi les gens sont sympas et chaleureux, bien sûr, mais c’est vrai que ça me manque beaucoup de discuter avec des inconnus en Chine, et en chinois !
Évidemment, voyager en Chine me manque beaucoup aussi, et j’ai hâte de me retrouver sur les routes chinoises, à la découverte d’autres provinces et cultures!
Par contre, la météo, la pollution, la foule et le bruit ne me manquent pas ! J’avoue que j’apprécie le calme et la nature de l’Écosse au quotidien !
Peux-tu nous en dire plus sur ton blog ?
Theycallmestranger est un blog voyage, je parle donc principalement de mes voyages, majoritairement à travers la Chine mais pas que ! Je parle aussi de culture, de mes expériences d’expatriation et de mon parcours avec l’apprentissage du chinois.
Le blog : https://www.theycallmestranger.com
Ma page instagram : https://www.instagram.com/theycallmestranger_/
Mes conseils pour apprendre le chinois : https://www.theycallmestranger.com/2020/07/comment-apprendre-le-chinois-guide-conseils.html
Vivre à Shenzhen, c’est comment ? : https://www.theycallmestranger.com/2017/11/vivre-a-shenzhen.html
Et enfin, si vous aussi vous aimez la musique métal, voici un article sur le métal chinois ! https://www.theycallmestranger.com/2020/10/musique-metal-chine-groupes-de-metal-chinois.html
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bravo cindy
Merci pour ce très chouette interview ! Ca me donne encore plus envie de partir explorer la Chine de fond en comble.
C’est très intéressant d’avoir ce retour d’une expat’ en Chine 🙂